Voilà 6 mois que je me suis faite opérée et je pensais que tout ça était derrière moi. C’était sans compter l’humour discutable de Mme la vie.
Après un événement au travail qui m’a quelque peu bousculée, je me rends compte que ce que je croyais être réglé est loin de l’être. Cet événement m’a permis de me rendre compte que j’avais été réellement écorchée émotionnellement et qu’il me restait du chemin à parcourir.
De nouveau des larmes, des images qui me reviennent, des questions. Moi qui pensais que tout ça était terminé. J’essaie de comprendre, comprendre ce qui me bouleverse encore aujourd’hui alors que j’ai accepté ce nouveau sein, que je l’ai intégré comme faisant partie de moi, que j’ai même oublié mon ancien sein. Alors pourquoi cette boule dans le ventre, pourquoi quand je parle de mon cancer à des personnes qui n’étaient pas au courant, je fonds en larme alors qu’il y a quelque temps je pouvais en parler sans problème….qu’est ce qui se passe?
A force de discuter de tout ça avec ma psy, certains éléments refont surface. Un sentiment d’illégitimité, la solitude, la colère envers les médecins et envers la vie qui m’a imposé cette épreuve.
Je pense qu’un des aspects les plus compliqué dans cette épreuve a été et est encore ce sentiment d’illégitimité. Après mon opération, on m’avait proposé d’aller dans des groupes de paroles pour parler de ce que je traversais. Je n’avais pas voulu y aller car je ne me sentais pas légitime d’y aller. Comment me plaindre du fait de perdre un sein alors que d’autres personnes ne savent pas si elles vont vivre ou mourir, qu’elles enchainent des chimiothérapies alors que moi je n’ai aucun traitement. Comme pouvoir me plaindre de ça? Comme me l’on fait bien sentir mes médecins, mon cancer est un « baby cancer », une crotte sur l’échelle des cancers, une chose insignifiante, si facile à éradiquer, si facile à se débarrasser.
Au final, est-ce que j’ai vraiment eu un cancer? Comme me l’a dit mon oncologue, il s’agissait d’une pré-cancérose…pas vraiment un cancer, pas besoin de traitement, « juste » une ablation…
Devoir annoncer cette épreuve à mes proches, voir le soulagement dans leurs yeux à l’annonce que ma vie n’était pas en jeu mais que j’allais juste perdre un sein. Au final, qu’est ce que perdre un sein si c’est le prix pour garder la vie sauve? Quelle violence pour moi, vous ne pouvez pas imaginer. Moi qui n’ai jamais senti ma vie en danger, moi qui ai tout de suite été rassurée par les médecins que je ne risquais rien mais que ça me couterai une partie de ma féminité. Quelle violence de voir le soulagement des gens de savoir que j’allais au final « juste » perdre un sein.
Je suis choquée par la manière dont les gens ont réagit face à ça même si je ne sais pas comment j’aurai réagit à leur place. Comment peut on être soulagé de savoir qu’un proche va se faire amputer? Je sais que le mot cancer est spontanément relié au mot « mort » alors qu’au final ce n’est qu’une option possible. Est-ce que l’on est soulagé lorsque un ami se casse la main qu’il ne se soit pas cassé le bras en entier? Pourquoi toujours comparer? Pourquoi toujours minimiser? Pourquoi toujours relativiser? Pourquoi juste ne pas accepter que cette épreuve est terrible?
Je blâme mes proches mais moi aussi j’ai minimisé ce que je vivais afin de les protéger et de me protéger par la même occasion. Mais à force de tout tourner à l’humour, à force de dire que ce n’était pas grave, j’ai fini par m’en convaincre et c’est aujourd’hui seulement que je me rends compte que j’ai vécu quelque chose de vraiment grave.
Si un mot devait résumé mon sentiment pendant cette période « solitude » est les plus approprié. Personne n’a idée de ce que j’ai pu traversé, de toutes les questions qui se sont bousculées dans ma tête, de ma peur intense face à ce que je traversais, de cette colère, de ce sentiment d’injustice. De cette envie de pouvoir partager ce que je vivais mais de cette impossibilité de trouver quelqu’un qui puisse réellement comprendre. Au final cette épreuve m’a permis de réaliser que dans la vie on est toujours seul même lorsque nous sommes bien entouré.
Un sentiment qui reste également très présent est la colère envers les médecins. Pourquoi d’un côté cette urgence pour m’opérer, et de l’autre cette minimisation de la gravité de mon cancer? Comment un jour, peut on me dire qu’il faut m’opérer rapidement pour au final me dire après l’opération que ce n’était qu’un pré cancer pas si méchant? Comment les médecins peuvent-ils se permettent de minimiser à ce point ce que leurs patients vivent? Bien évidement que mon cancer n’est qu’une routine pour eux mais ne peuvent-ils pas comprendre l’importance que cela a sur la vie d’une personne?
Je sens que j’ai encore du chemin à faire, que ce cancer m’a plus impactée que ce que je voulais bien croire, que j’ai été profondément atteinte dans mon être, que cela a modifié qui j’étais, que cette épreuve fera toujours partie de moi…