48. Deuxième effet kisscool

Voilà 6 mois que je me suis faite opérée et je pensais que tout ça était derrière moi. C’était sans compter l’humour discutable de Mme la vie.

Après un événement au travail qui m’a quelque peu bousculée, je me rends compte que ce que je croyais être réglé est loin de l’être. Cet événement m’a permis de me rendre compte que j’avais été réellement écorchée émotionnellement et qu’il me restait du chemin à parcourir.

De nouveau des larmes, des images qui me reviennent, des questions. Moi qui pensais que tout ça était terminé. J’essaie de comprendre, comprendre ce qui me bouleverse encore aujourd’hui alors que j’ai accepté ce nouveau sein, que je l’ai intégré comme faisant partie de moi, que j’ai même oublié mon ancien sein. Alors pourquoi cette boule dans le ventre, pourquoi quand je parle de mon cancer à des personnes qui n’étaient pas au courant, je fonds en larme alors qu’il y a quelque temps je pouvais en parler sans problème….qu’est ce qui se passe?

A force de discuter de tout ça avec ma psy, certains éléments refont surface. Un sentiment d’illégitimité, la solitude, la colère envers les médecins et envers la vie qui m’a imposé cette épreuve.

Je pense qu’un des aspects les plus compliqué dans cette épreuve a été et est encore ce sentiment d’illégitimité. Après mon opération, on m’avait proposé d’aller dans des groupes de paroles pour parler de ce que je traversais. Je n’avais pas voulu y aller car je ne me sentais pas légitime d’y aller. Comment me plaindre du fait de perdre un sein alors que d’autres personnes ne savent pas si elles vont vivre ou mourir, qu’elles enchainent des chimiothérapies alors que moi je n’ai aucun traitement. Comme pouvoir me plaindre de ça? Comme me l’on fait bien sentir mes médecins, mon cancer est un « baby cancer », une crotte sur l’échelle des cancers, une chose insignifiante, si facile à éradiquer, si facile à se débarrasser.

Au final, est-ce que j’ai vraiment eu un cancer? Comme me l’a dit mon oncologue, il s’agissait d’une pré-cancérose…pas vraiment un cancer, pas besoin de traitement, « juste » une ablation…

Devoir annoncer cette épreuve à mes proches, voir le soulagement dans leurs yeux à l’annonce que ma vie n’était pas en jeu mais que j’allais juste perdre un sein. Au final, qu’est ce que perdre un sein si c’est le prix pour garder la vie sauve? Quelle violence pour moi, vous ne pouvez pas imaginer. Moi qui n’ai jamais senti ma vie en danger, moi qui ai tout de suite été rassurée par les médecins que je ne risquais rien mais que ça me couterai une partie de ma féminité. Quelle violence de voir le soulagement des gens de savoir que j’allais au final « juste » perdre un sein.

Je suis choquée par la manière dont les gens ont réagit face à ça même si je ne sais pas comment j’aurai réagit à leur place. Comment peut on être soulagé de savoir qu’un proche va se faire amputer? Je sais que le mot cancer est spontanément relié au mot « mort » alors qu’au final ce n’est qu’une option possible. Est-ce que l’on est soulagé lorsque un ami se casse la main qu’il ne se soit pas cassé le bras en entier? Pourquoi toujours comparer? Pourquoi toujours minimiser? Pourquoi toujours relativiser? Pourquoi juste ne pas accepter que cette épreuve est terrible?

Je blâme mes proches mais moi aussi j’ai minimisé ce que je vivais afin de les protéger et de me protéger par la même occasion. Mais à force de tout tourner à l’humour, à force de dire que ce n’était pas grave, j’ai fini par m’en convaincre et c’est aujourd’hui seulement que je me rends compte que j’ai vécu quelque chose de vraiment grave.

Si un mot devait résumé mon sentiment pendant cette période « solitude » est les plus approprié. Personne n’a idée de ce que j’ai pu traversé, de toutes les questions qui se sont bousculées dans ma tête, de ma peur intense face à ce que je traversais, de cette colère, de ce sentiment d’injustice. De cette envie de pouvoir partager ce que je vivais mais de cette impossibilité de trouver quelqu’un qui puisse réellement comprendre. Au final cette épreuve m’a permis de réaliser que dans la vie on est toujours seul même lorsque nous sommes bien entouré.

Un sentiment qui reste également très présent est la colère envers les médecins. Pourquoi d’un côté cette urgence pour m’opérer, et de l’autre cette minimisation de la gravité de mon cancer? Comment un jour, peut on me dire qu’il faut m’opérer rapidement pour au final me dire après l’opération que ce n’était qu’un pré cancer pas si méchant? Comment les médecins peuvent-ils se permettent de minimiser à ce point ce que leurs patients vivent? Bien évidement que mon cancer n’est qu’une routine pour eux mais ne peuvent-ils pas comprendre l’importance que cela a sur la vie d’une personne?

Je sens que j’ai encore du chemin à faire, que ce cancer m’a plus impactée que ce que je voulais bien croire, que j’ai été profondément atteinte dans mon être, que cela a modifié qui j’étais, que cette épreuve fera toujours partie de moi…

47. Tout recommencer

Rendez-vous des trois mois avec le plasticien. J’y vais confiante, rien à craindre d’autant plus que depuis la dernière fois j’ai beaucoup progressé au niveau de l’acceptation de mon sein.

Il me demande si je vais mieux, je lui réponds tout sourire que je suis au top mais que j’ai des questions (comme d’hab sur la reconstruction du mamelon). Il me dit qu’on va déjà regarder mon sein..

Je me déshabille et c’est parti pour le palpage de boobs. Il le touche, le presse, fronce les sourcils, regarde l’autre, le soupèse, revient sur l’autre… Il n’est pas satisfait….heu comment ça, c’est pas lui qui me répétait à quel point il était content de son travail? Il le trouve trop bombé et s’en étonne. Il regarde le type de prothèse qu’il m’a posé… Il va dans un tiroir et sort une prothèse qu’il me montre… »vous voyez, c’est pas du tout la même forme ». Il m’explique que mon corps a certainement fait un excès de cicatrisation qui, du coup, compresse la prothèse et lui donne un effet bombé sur le dessus. Je lui demande s’il veut opérer l’autre sein, il me répond que non, que ça serait dommage… Par contre, étant donné qu’il va de toute façon m’opérer en fin d’année pour refaire le mamelon et l’aréole, il en profitera pour me réouvrir le sein et changer la prothèse…ok.

Il m’explique que je devrai de nouveau passer par une anesthésie générale, six semaines d’arrêt de travail et que je serai privée de sport pendant cette période. Il me rassure quant aux douleurs en me disant que ça n’aura rien à voir, que cette fois, il n’aura pas besoin de décoller le muscle et que du coup les douleurs seront vraiment moindres et que je ne devrait pas avoir besoin de la pompe à morphine (zut, je l’aimais bien celle là). Concernant la reconstruction du mamelon et de l’aréole, il m’explique qu’il recrée un mamelon en plissant la peau du sein et que l’aréole est faite à l’aide d’une greffe de peau prise dans l’aine. Ok ok.

Il me dit que je pourrai quand même passé un été serein avec ce sein et me demande de le recontacter en septembre afin de fixer la date de l’opération… ok

Je sors de là un peu sonnée et je me mets à réfléchir à toutes ces informations… repasser sur la table d’opération, refaire une anesthésie générale, me faire ouvrir, me retrouver à nouveau privée de sport, le stress de la cicatrisation, les drains, les oedèmes… Est-ce que j’ai vraiment envie de tout ça?

C’est fou, au moment où je commence à accepter ce sein, à le sentir faisant partie de moi, voilà qu’on m’annonce qu’on va me l’enlever…encore perdre un sein, et pour quoi? Pour quel résultat?

Est-ce que j’ai vraiment envie de ça, de repasser par toute ces étapes? Au moment où toute cette aventure aurait dû se terminer, tout recommencer? Est-ce que je suis prête pour ça?

La première fois, je n’avais pas le choix, aujourd’hui je l’ai….mais quel choix… Un choix purement esthétique au final. Moi qui ai toujours dit que je ne ferai pas de chirurgie esthétique, qui ne comprends pas les personnes qui décident de leur plein gré de se faire charcuter…merde

Je me dis qu’au final, je m’y suis attachée à ce sein. Alors certes il n’est pas parfait mais bon. Et pis, quelle garantie de résultat? Et si le sein qu’on me refait est moins bien, et si je regrette mon choix, et si, et si..

46. Le pouvoir du cerveau

10 avril. Voilà 3 mois que je me suis faite opérée. Je suis impressionnée par tout le chemin que j’ai parcouru depuis. Après les douleurs physiques, après les douleurs morales, je sens que mon corps et mon cerveau commencent enfin à accepter tout ce qui m’est arrivé.

Ça n’aura pas été un parcours facile et de tout repos mais je vois enfin les progrès. J’ai pu reprendre le sport petit à petit. Même si ça n’a pas été facile d’accepter de ne plus pouvoir faire pole dance pendant une année, je me suis faite à l’idée et me suis prise un abonnement au fitness. Même si je vois que mon corps à du mal à faire certaine choses qui me semblaient faciles auparavant, je suis tellement reconnaissante de pouvoir recommencer que j’accepte.

Ce nouveau sein qui a été si dur à accepter, commence petit à petit à faire partie de moi. Je commence à m’habituer à ce sein borgne. Alors oui, il n’est pas aussi beau que l’original, il n’est pas tout à fait à la bonne place, il fait des bosses mais bon… A force de le voir tous les jours, j’ai fini par m’y habituer.

Je suis tellement impressionnée par la capacité qu’a le cerveau à surmonter les épreuves. Quand je repense à mon état 3 mois auparavant… moi pleurant sur mon lit d’hôpital suite à la perte de mon sein… et aujourd’hui, j’ai repris le travail, le sport, je souris, je vis…parfois j’ai presque l’impression qu’il ne s’est rien passé

Je vois quand même une grande différence par rapport à avant. Je vois la vie autrement. J’avais déjà entrepris de vivre plus sereinement, de moins me prendre la tête, de me rapprocher des choses essentielles…mais aujourd’hui, c’est quelque chose qui devient vital, comme une force invisible qui me pousse. Je n’ai plus envie de perdre mon temps à faire des choses qui ne me font pas plaisir, je n’ai plus envie de me prendre la tête pour des choses sans importance. Cette aventure (c’est marrant, je parle souvent d’aventure et pas d’épreuve) m’a fait m’en rendre compte, même si j’en étais déjà consciente, que la vie est courte et qu’elle peut s’arrêter n’importe quand. Je sais que ce que je dis peut sembler très bateau mais aujourd’hui j’ai vraiment envie de trouver et de faire ce qui me plait, de profiter de ce temps qui m’est accordé. Je ne veux pas me réveiller dans 30 ans et regarder en arrière en me demandant ce que j’ai fait de ma vie. Ma vie n’est pas demain, elle est aujourd’hui et j’ai tellement envie d’en profiter!!!!

45. Gène muté ou non

29 mars, dernière étape de mon périple. Enfin, je vais avoir les résultats de mon test onco-génétique et savoir si je suis ou non porteuse du gène muté…

Comme souvent dans la vie, me voilà face à un croisement décisif.. si le test est négatif, tout s’arrête là, pas de risque particulier de développer un cancer du sein ou de l’utérus, le reste de ma famille n’a pas besoin de se faire tester pour voir d’où ça vient, on en reste là. Par contre, si le test est positif, c’est une autre paire de manche. J’aurai à me poser la question de savoir si je souhaite, enfin souhaiter est un bien grand mot, me faire enlever le deuxième sein en prévention et me faire enlever les ovaires, mes parents devront se faire tester pour savoir de qui vient le gène et une fois trouvé, mes oncles et tantes devront faire le test et ensuite mes cousins et cousines…une vraie partie de plaisir en perspective…Bon, restons positif (le spleen n’est plus à la mode)!!

Je pars de chez moi, je prends mon scooter, je commence à sentir le stress monter. C’est marrant comme j’avais réussi à faire abstraction de ce résultat pendant les six dernières semaines. En même temps, je ne voyais pas trop l’utilité de me torturer avec un truc sur lequel je n’avais pas d’emprise.

Bref, j’arrive au cabinet et sonne. La généticienne (celle que j’avais pris la première fois pour la secrétaire) m’ouvre et me dit de patienter. Elle s’assied au bureau dans la salle d’attente… Je prends un magazine, tourne les page de manière machinale, je n’arrive pas à me concentrer. Dans quelques minutes j’aurai le verdict… Putain je stresse en fait. Au bout de 15 minutes, je lui demande dans combien de temps elle pourra me recevoir. Elle me dit qu’on doit attendre que ses collègues libèrent un bureau car elle ne peut pas me faire le retour ici à cause du manque de confidentialité…boule au ventre…Puis elle me lâche, « mais vous inquiétez pas, les résultats sont bons »…les larmes coulent…j’étais beaucoup plus stressée que ce que je pensais.

Au bout d’un moment, elle peut enfin me recevoir dans un bureau. Elle me confirme que les tests montrent que je ne suis pas porteuse de mutations sur différents gènes responsables de cancers comme celui du sein, de l’utérus, du pancréas et d’autres… Je fonds en larme…oh putain quel soulagement… Elle me garde pendant une dizaine de minutes pour m’expliquer des trucs mais je n’écoute pas… dans ma tête un petit bonhomme danse « je ne suis pas porteuse du gène, je ne suis pas porteuse du gène »…putain!! Enfin une bonne nouvelle!!!

Je sors du bureau, envoie un message à ma famille et mes amis…j’ai l’impression que le toute cette merde est enfin terminée!

44. RDV post-opératoire

Ce matin, rendez-vous avec le gynécologue qui m’a opéré, celui qui m’a annoncé, le 21 décembre, qu’on allait devoir m’enlever un sein.

J’arrive un peu en avance, je me présente à la réceptionniste qui me fait patienter dans la salle d’attente. Mon coeur bas fort, mon estomac est à l’envers, ça me rappelle de très très mauvais souvenirs. La dernière fois que j’ai attendu dans cette pièce, c’était juste avant que ma vie ne change.

Le médecin arrive, à l’heure. Il me sert la main et me demande de le suivre. J’entre dans son bureau…oh mon dieu ça me donne envie de gerber (comment dire, je crois que j’ai subit un léger traumatisme…). Je m’installe et lui dit que son bureau me rappelle de très mauvais souvenirs. Il me répond « ouais »… mais que maintenant le danger est écarté et que c’est plus que de la surveillance…soit…

Il prend mon dossier et commence à étaler tous les documents sur son bureau et à les parcourir …( heu sérieusement? Bon bah, il me reste plus qu’à attendre qu’il ait fini de les lire)…

  • alors oui, c’était quoi déjà….ha oui, carcinome canalaire in situ étendu…..7,5 cm…. pas de chimiothérapie, pas de radiothérapie…..traitement par tamoxifène…. (Il lève les yeux vers moi….)
  • heu quoi mais y avait pas de traitement hormonal prévu??!!
  • (il baisse les yeux sur la feuille)… Pas nécessaire chez une patiente de 35 ans…ah ouais j’avais pas terminé ma phrase…
  • (nan mais il est sérieux là?, il veut me faire crever ou quoi???)… heu ouais évitez de me faire des frayeurs comme ça hein…

Bon, il continue à trier la paperasse, il me dit qu’il me verra en alternance avec ma gyneco habituelle, et qu’il me fera un bon pour un IRM pour la fin de l’année.

Il me dit qu’il va m’examiner… Je me déshabille et m’assied sur la table de consultation.

  • umpf, bon c’est plutôt pas mal… oui effectivement le problème avec les prothèses c’est que c’est plus ferme qu’un vrai du coup l’autre semble tomber un peu (merci j’avais pas remarqué)
  • heu ouais pis ça fait des vagues
  • mmm, effectivement…irrégularité… (waou il est pas payé au mot en tout cas)…. Levez les bras…(palpe)…baissez les bras…(palpe)…allongez vous (palpe)…rhabillez vous…… Bon de toute façon c’est les radiographies qui nous permettrons de savoir s’il y a quelque chose parce que de toute façon ce type de cancer n’est pas palpable ou tardivement (heu ok mais pourquoi me palper alors?)

On retourne à son bureau. Je lui demande pour la reconstruction du mamelon, si ça sera pris en charge. Il me dit de ne pas m’inquiéter, que ça sera pris en charge et qu’il fera ce qu’il faut pour que ça le soit, qu’il ne va pas me laisser tomber (première parole réconfortante)… Il me fait le bon pour l’IRM…Merci, au revoir…

Wooooooooow, le rendez-vous aura duré en tout est pour tout 12mn, le gynécologue n’a même pas pris le temps de me demander comment j’allais…j’hallucine…

Plus je vois les médecins, plus je me rends compte à quel point ils ne sont pas psychologue pour un sous. Quel manque d’empathie. Alors certes, je sais que comparé à ce qu’il voit tous les jours, ce que j’ai eu c’est du pipi de chat mais merde, il faut que les médecins comprennent que leur réalité n’est pas celle de leurs patients. Et que si pour eux, l’annonce d’un cancer, l’ablation d’un sein ou je ne sais quoi est quelque chose de banal, pour leurs patients c’est un choc immense qui a un réel impact sur leur vie….


43. Visite chez la gyneco

Après toute ces aventures, je m’étais dit que ça pourrait être bien de voir ma gynéco, celle qui me suit depuis des années et qui m’a annoncé que j’avais des cellules cancéreuse. Parce que depuis son coup de fil quand j’étais à Bruxelles, je n’ai plus eu, ni donné de nouvelles.

Le rendez-vous avait lieu hier. J’arrive dans la salle d’attente et m’apprête à devoir attendre minimum 30 mn comme d’habitude. Surprise, elle arrive au bout d’à peine 5 mn d’attente. Elle me demande de la suivre dans son bureau…

  • « vous êtes là pour un contrôle ou quelque chose en particulier? »
  • (hein?? Elle est sérieuse là, heu, allo, j’ai eu un cancer! On m’a enlevé un sein!!) « Heu bah, j’aimerai bien parler de la mastectomie »
  • …. (regard de merlan frit….elle ne voit pas de quoi je parle…elle n’a apparement pas pris la peine de lire mon dossier avant que j’arrive…)
  • « Bah oui, vous vous souvenez, j’ai eu un cancer, on m’a enlevé un sein y a un mois »
  • …lueur dans les yeux… « oui bien sûr (ouais c’est ça), et vous vouliez en parler pourquoi ? »
  • (nan mais sérieusement?)… « Heu bah je sais pas, savoir un peu la suite, le suivi, comment ça va se passer? »

Bon une fois, qu’elle m’a enfin remit, je lui explique un peu comment ça s’est passé. Que j’ai trouvé difficile le manque de psychologie de la part du corps médical, le manque d’adéquation de l’infirmière référente du centre du sein, de mes inquiétudes… Elle m’écoute et me dit que les médecins qui m’ont suivi sont des hommes et qu’ils ne se rendent pas compte de ce que la perte d’un sein implique. Elle m’explique la suite du suivi qui se fera en alternance tous les six mois avec le gynécologue qui m’a opéré. Elle me demande si je suis contente du résultat, je lui explique que non, qu’effectivement c’est pas trop mal mais que mes seins sont trop écartés et qu’il y a cette histoire de vague, elle me dit qu’il faut que j’accepte (ça, j’avais compris), mais que ça ne se fait pas du jour au lendemain (alléluia) et qu’il va me falloir du temps..

Elle me demande ensuite de la suivre dans la salle d’examen. Je me déshabille, me pèse (aaaarg +5kg depuis cet été… c’est pas une découverte mais bon) et m’installe our l’examen. Elle me fait l’examen habituel (palpation, frotti et compagnie) puis me dit qu’elle va regarder mes ovaires…Elle m’insérer un truc et regarde sur son écran… je lui demande alors de me faire une visite guidée de mon intérieur car c’est une première pour moi…Elle rit et me commente les images, ici l’utérus…tout va bien….ici l’ovaire gauche et de l’autre côté le droit…aucun problème, tout est en ordre …..ouf!

Elle me dit que si je n’ai pas de nouvelles d’elle, c’est que tout est en ordre…

42. Libération

Hier, rendez-vous chez le plasticien pour qu’il me donne enfin le ok pour la reprise d’une vie normale.

Salle d’attente, toujours ces tableaux affreux, la vierge morte et les femmes à un sein…apparement mes commentaires n’ont pas eu l’effet attendu…

J’avoue que j’appréhende un peu ce rendez-vous au vue de comment c’était passé le dernier…

Il vient me chercher dans la salle d’attente, très souriant comme à son habitude. Il me demande comme je vais, enfin surtout, comment va mon sein… « heu bah, fidèle à lui même je dirais… »… Il me demande de me déshabiller et me demande si je le malmène un peu (le sein hein pas le plasticien), je lui dis que oui, je le presse comme il me l’a montré… Il touche et s’extasie devant la souplesse de mon sein…(apparement c’est positif). Il semble très content, dit que j’aurais presque pas besoin de continuer à le masser (enfin le presser plutôt) mais que c’est quand même mieux de le faire pendant les 4 mois qui suivent l’opération (toujours dans le but d’éviter la formation d’une coque).

Je me rhabille. Je lui demande si je peux mettre un soutien gorge normal, il me répond oui (enfiiiiiiin) et me dit que la réponse sera oui à toutes les questions que je lui poserai…dormir sur le ventre? « oui », reprendre le sport? « oui », prendre un bain ? »oui », allez aux bains thermaux ? « oui », sauna? « oui », Hamam ? « oui » …..yeeeeeeeeessssss!!!! Trop contente, je vais enfin pouvoir tout refaire comme avant…enfin comme avant pas vraiment non plus. J’ai essayé de faire une salutation au soleil (truc de yoga) et comment dire …passer de la planche, au sol en passant par une pompe triceps est juste totalement impossible … Je sais pas si c’est parce que mes muscles de bras ont disparus ou si c’est à cause du muscle qui passe par dessus la prothèse mais ça marche pas…il va falloir que j’accepte de reprendre un peu tout depuis le début…accepter…encore une fois…

Je lui demande pour la pole dance, il me dit que y a pas de problème. Je lui dit que ma physio m’a fortement déconseillé d’en faire tant que la cicatrice est active (environ 1 an) car ça tire beaucoup sur le bras et les pecs et que ça risque d’étirer la cicatrice. Et si la cicatrice est étirée, y a de bonnes chances pour qu’elle devienne très moche…ce qui serait dommage.. Il me répond que de toute façon les cicatrices sont pas très prévisible et qu’elle fera ce qu’elle aura envie de faire (ouais, je suis pas super convaincue par cette explication)… du coup je sais pas trop qui écouter. Je pense que dans un premier temps je vais essayer de retrouver mes muscles et ensuite on verra si je reprends ou pas…

Je lui dit que plusieurs personnes m’ont dit que la reconstruction se faisait en plusieurs étapes et qu’il était possible de faire des injections de graisse dans les seins pour diminuer l’écart et l’effet de vague. Il me dit qu’effectivement mais que cela comporte des risques de nécrose (encore!!!) et que mon problèmes c’est que j’ai la peau très fine ce qui complique la chose et augmente apparement les risques. Il m’explique qu’il a vu beaucoup de femmes avec des ratages, parce que son trucs à lui c’est de rattraper les merdes qu’ont pu faire les autres chirurgiens et qu’avec l’expérience, il préconise la prudence…du coup, dans mon cas, il ne ferait rien…

Il me dit aussi que quand il y aura la reconstruction du téton ça permettra d’avoir l’impression d’une meilleure symétrie. Je lui demande quand ça pourra être fait et si c’est lui qui le fera…

  • « Est-ce que j’ai vraiment envie de retravailler bénévolement?…Mais bon on vous aime bien Madame alors surement »
  • (il est vraiment sérieux avec ces histoires d’argent ??) « Mais si, c’est bien de faire du bénévolat, vous allez gagner des points de Karma »
  • « ha oui vous croyez? »
  • « Bah oui, c’est pour ça que je bosse dans le social…bien que ça a pas trop l’air de marcher… »

Il m’explique que lui ne fait pas juste un simple tatouage, il recrée vraiment un mamelon en utilisant la peau de l’aine et fait un téton en relief. Par contre, il faudra de nouveau l’accord de la confédération pour pouvoir m’opérer en privé vu que j’ai pas d’assurance complémentaire pour ça… Il pense que la reconstruction pourrait être faite pendant le mois de novembre… joli cadeau d’anniversaire ! Il faudra passer une nuit à la clinique. J’ai oublié de lui demander si ça se faisait sous anesthésie générale…j’avoue que j’ai pas très envie de revivre ça… Mais bon novembre c’est loin.

Le rendez-vous se termine, je le reverrai dans deux mois…

41. Ciel bleu

Un ciel bleu, sans nuage…. comme mon esprit depuis mon retour de Barcelone.

Je suis partie cinq jours pour prendre l’air et voir mes cousines, quand je vois le bien que ça m’a fait, je me dis que j’aurai du le plus tôt.

Je ne sais pas si c’est le fait d’être loin de chez moi, l’air de la mer, les tapas, le masque d’âne (Private joke), les fous rires avec les cousines mais je reviens chez moi changée, moins inquiète par rapport à tout ça, plus sereine. Je sens une énergie nouvelle, une envie d’arrêter de m’en morfondre, d’aller de l’avant, de reprendre ma vie en main!!!

J’ai montré mon sein à mes cousines, leurs réactions m’ont fait du bien. Pas de visage horrifiés, pas de regards tristes, pas de larmes. Au contraire, elles semblaient surprises en bien du résultat, ne voyant pas les détails qui chez moi me sautent aux yeux. Ça m’a fait du bien d’avoir un autre regard sur ce sein.

J’ai eu la réponse de l’assurance, elle est ok de prendre en charge les tests génétiques, j’irai demain faire une prise de sang.

Aujourd’hui, j’ai eu rendez-vous avec une nouvelle physio (la cheffe de celle que je vois d’habitude). Quand elle voit mon sein, elle semble surprise…petite panique de mon côté… « y a quelque chose qui va pas? »…  « non non, je trouve que la reconstruction est magnifique » … ouf

Cette physio est au top, elle répond à toutes mes questions restées en suspens. Celles concernant la reprise du sport essentiellement. Elle m explique qu’il faut éviter toutes les activités qui pourraient étirer la cicatrice et risquer de réactiver le processus de cicatrisation qui aboutirait à une cicatrice pas très jolie . Du coup, elle me déconseille fortement la pole dance tant que la cicatrice est rouge, mais pas de problème pour faire des pompes, du yoga et du gainage…trop bien!! Je me réjouis d’avoir le ok du chirurgien la semaine prochaine pour pouvoir recommencer à bouger, même si j’avoue que j ai déjà recommencé depuis le début de la semaine à faire des squats…trop marre de rester inactive!!

40. Accepter l’imperfection

Aujourd’hui rendez-vous avec la plasticien pour discuter de cette histoire de vagues…la secrétaire à réussi à m’avoir un petit créneau horaire entre deux rendez-vous…

Le plasticien me demande si je vais mieux. Je lui dit que non, que mon sein fait des trucs bizarres, il me dit que c’est normal en période de cicatrisation.

Il me propose de tout de suite regarder. Je me déshabille et bien évidement, pas de vagues… Je lui dit qu’elles apparaissent surtout quand je reste un moment sur le côté…Il va chercher une prothèse et me montre qu’effectivement ça fait des vagues… Je lui réponds que je trouve ça très moche, je lui demande s’il y a quelque chose à faire, il me répond que non.

Il me dit qu’il faut que j’accepte que ce sein ne sera jamais comme l’autre, qu’il ne sera jamais parfait. Je lui réponds que j’en ai conscience, que je peux accepter ce sein mais pas les vagues, que je ne comprends pas pourquoi il ne m’a pas prévenu (« pour ne pas vous faire peur »), pourquoi sur les photos de reconstruction qu’il m’avait montré, on ne voit pas ces vagues (« prothèses plus tendues et peau plus épaisse »).

Il me dit que le fait que ma peau soit fine, que mon muscle soit peu développé et que je sois mince bah ça fait qu’on devine la prothèse sous la peau…Fait chiez!!!

Il me dit que je suis la première de ses patientes à me plaindre de ça (franchement ça m’étonne), qu’il faut que je fasse le deuil de mon sein (c’est bon j’ai compris), qu’il faut que j’accepte l’imperfection (c’est si facile à dire), que si dans un an c’est vraiment dérangeant, on pourra éventuellement penser à peut-être la regonfler…

Il me répète qu’au vue de ce que j’ai subi, le résultat est plutôt pas mal. Qu’il faut que j’accepte que j’ai eu cette maladie et qui plus est jeune, qu’il faut que j’accepte d’avoir perdu un sein qui en plus était plutôt pas mal, qu’il faut que je fasse le deuil, qu’il faut que je fasse le chemin… Il me dit que ça serait bien que j’en parle avec quelqu’un… je lui réponds que je suis déjà suivie… Il me répond en souriant « Et ça marche? »…pfff, j’aimerai bien l’y voir lui…

Accepter, accepter, accepter…si vous avez la recette, je suis preneuse…

39. Panique

Vendredi soir, je me regarde dans le miroir et…oh putain c’est quoi ça???? Sur le dessus de mon sein on voit clairement des vagues que fait la prothèse sous ma peau…ho non, ho non, ho non…c’est quoi? Pourquoi ça fait ça, putain je commence a accepter ce nouveau sein et là il se déforme…non non non je veux pas…

Je me mets à pleurer, mon coeurs s’accélère…crise d’angoisse… fait chier…qu’est ce que je peux faire? Bon clairement rien maintenant…Je me pose devant un film et essaie de ne pas y penser…je m’endors…Je me réveille une heure après, premier réflexe, regarder mon sein…meeeerde c’est toujours pareil…les larmes coulent, je sens une boule de panique dans mon ventre…qu’est ce que je peux faire….bon, même s’il est passé 23h, j’envoie un message au plasticien…

« Bonsoir, je suis absolument désolée de vous déranger à cette heure-ci mais je suis vraiment inquiète. Je viens de remarquer que mon sein est déformé sur le dessus. Ça fait comme une vague sur le haut du sein mais visibles cette fois ci. Et je sens mes os là où je sentais la prothèse avant… je me demandais si je pouvais éventuellement passer à la clinique demain pour que les infirmières vérifient? « 

Merde, un seul vu sur what’s app, son tél doit être éteint…bon bah je vais essayer de dormir. Je laisse mon téléphone allumé… J’essaie de dormir, en restant bien droite dans mon lit…peut-être que ça remettra les choses en place (l’espoir fair vivre)…je m’endors..

Et là les cauchemars…je rêve que je vois le plasticien, il me dit qu’il va devoir me réopérer, que je dois repasser par l’anesthésie générale, le bloc opératoire…nooooon je veux pas y retourner, je ne veux pas revivre ça…je me réveille. J’ai le coeur qui palpite, les larmes montent. Je regarde mon sein, toujours pareil… je regarde mon téléphone, 4h, deux vus sur what’s app…le plasticien a reçu le message…Je me rendors, les cauchemars continuent, je rêve d’un sein complètement déformé, l’annonce qu’on doit me retirer définitivement la prothèse, que je vais rester avec un seul sein…je me réveille, je pleure, je ne veux pas perdre ce sein. Je me rends compte qu’au final je commence à l’apprécier et que je ne veux pas perdre encore une fois un sein…je peux pas, j’y arriverai pas. Je referme les yeux…ding…un message…6h45, le plasticien a répondu. Il me dit qu’il n’est pas là ce week-end, que je peux passer à la clinique si ça peux me rassurer et me dit que je peux lui envoyer une photo de mon sein…je me lève d’un bon et vais devant le miroir faire une photo, je lui envoie…j’attends la réponse. Ding.. Il me dit qu’à première vue il n’y a rien d’inquiétant, mais que si ça me rassure je peux appeler lundi pour prendre un rendez-vous…c’est clairement ce que je vais faire….en espérant qu’il ait des disponibilités avant mon séjour de cinq jours à Barcelone…

Je regarde 50 fois par jour mon sein pour voir si ça s’est empiré ou pas. Je le tâte et sens ces plis dans la prothèse qui m’angoissent, j’essaie de me rassurer en me disant que le plasticien a dit qu’il n’y avait rien d’inquiétant mais bon, comment dire, la dernière fois qu’on m’a dit de ne pas m’inquiéter, on m’a diagnostiqué un cancer…

Tout ça me fatigue, cette incertitude face à ce nouveau sein, ne pas savoir ce qui est normal de ce qui ne l’est pas, cette peur qu’il y ait des complications et qu’on doive me retirer la prothèse, la peur de me retrouver avec un seul sein…

J’ai tellement hâte d’être dans un an, que tout ça soit du passé, que je sois rassurée sur le fait que tout va bien, que je ne stress plus tous les deux jours à me demander si tel ou tel truc est normal ou pas. J’ai tellement envie de retrouver ma vie d’avant où tout ne tournait pas autours de ce sein…